Anquetil-Duperron
Posted: Sat Feb 04, 2006 6:40 pm
Source : Le Nouvel Observateur
Sur la piste de Zarathoustra
Voltaire l'avait trouvé saumâtre. Dans sa cabale contre les dévots, il avait imaginé pouvoir compter sur le réformateur religieux iranien Zoroastre (VIe siècle avant J.-C.), le Zarathoustra qui inspirera Nietzsche, mais, manque de chance, la traduction qui venait d'en être faite par un savant se révélait un tissus de bondieuseries orientales. Le responsable s'appelait Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron (1731-1805). Voltaire lui en voulut tant qu'il l'accusa d'avoir falsifié le texte. L'érudit se défendit, mal comme de bien entendu, et préféra le silence avant de retrouver une notoriété européenne pour sa traduction du « Zend Avesta », le livre sacré des parsis.
Jacques Anquetil s'est pris de passion pour ce lointain ancêtre. En rendant hommage aux travaux d'un Jean-Luc Kieffer, il nous livre une biographie enthousiaste du premier orientaliste français à qui l'on doit également des journaux de voyages en Inde, un petit traité sur la « Dignité du commerce et de l'état de commerçant ».
Dans ces Indes étranges où les Anglais commençaient à prendre racine, Anquetil-Duperron fit le territoire de ses curiosités. Pendant huit ans, il les arpenta, se mêlant à la population, vivant comme elle pour comprendre davantage l'esprit de cette littérature nouvelle. Jacques Anquetil nous le montre au quotidien, fouillant avec avidité les manuscrits. En 1762, après la prise de Pondichéry, les Anglais le rapatrièrent en France avec plus de 180 volumes de textes divers qui l'occuperont jusqu'à sa mort.
A la lointaine parenté entre le biographe et son modèle s'ajoutent ici une même fascination pour les voyages et cette aventure qui nous fait passer des textes aux textiles. « Ces mythologies védiques liées au tissage, Anquetil-Duperron me les a révélées. Je les ai retrouvées dans de nombreuses autres civilisations textiles, celle du coton en Inde, de la soie en Chine et de la laine en Mésopotamie. » Au terme de ce voyage, on ne sait toujours pas comment parlait Zarathoustra, mais on a entendu la voix oubliée de son premier passeur.
« Anquetil-Duperron », par Jacques Anquetil, Presses de la Renaissance, 270 p., 20 euros.
Laurent Lemire
Sur la piste de Zarathoustra
Voltaire l'avait trouvé saumâtre. Dans sa cabale contre les dévots, il avait imaginé pouvoir compter sur le réformateur religieux iranien Zoroastre (VIe siècle avant J.-C.), le Zarathoustra qui inspirera Nietzsche, mais, manque de chance, la traduction qui venait d'en être faite par un savant se révélait un tissus de bondieuseries orientales. Le responsable s'appelait Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron (1731-1805). Voltaire lui en voulut tant qu'il l'accusa d'avoir falsifié le texte. L'érudit se défendit, mal comme de bien entendu, et préféra le silence avant de retrouver une notoriété européenne pour sa traduction du « Zend Avesta », le livre sacré des parsis.
Jacques Anquetil s'est pris de passion pour ce lointain ancêtre. En rendant hommage aux travaux d'un Jean-Luc Kieffer, il nous livre une biographie enthousiaste du premier orientaliste français à qui l'on doit également des journaux de voyages en Inde, un petit traité sur la « Dignité du commerce et de l'état de commerçant ».
Dans ces Indes étranges où les Anglais commençaient à prendre racine, Anquetil-Duperron fit le territoire de ses curiosités. Pendant huit ans, il les arpenta, se mêlant à la population, vivant comme elle pour comprendre davantage l'esprit de cette littérature nouvelle. Jacques Anquetil nous le montre au quotidien, fouillant avec avidité les manuscrits. En 1762, après la prise de Pondichéry, les Anglais le rapatrièrent en France avec plus de 180 volumes de textes divers qui l'occuperont jusqu'à sa mort.
A la lointaine parenté entre le biographe et son modèle s'ajoutent ici une même fascination pour les voyages et cette aventure qui nous fait passer des textes aux textiles. « Ces mythologies védiques liées au tissage, Anquetil-Duperron me les a révélées. Je les ai retrouvées dans de nombreuses autres civilisations textiles, celle du coton en Inde, de la soie en Chine et de la laine en Mésopotamie. » Au terme de ce voyage, on ne sait toujours pas comment parlait Zarathoustra, mais on a entendu la voix oubliée de son premier passeur.
« Anquetil-Duperron », par Jacques Anquetil, Presses de la Renaissance, 270 p., 20 euros.
Laurent Lemire