Le rêve inaccessible d’un Etat kurde

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Le rêve inaccessible d’un Etat kurde

Postby Ardavan » Sat Feb 04, 2006 4:28 pm

Source : Turquie Européenne

Présents dans quatre pays, dispersés entre l’Irak, la Turquie, l’Iran et la Syrie, les 35 millions de kurdes sont longtemps demeurés des oubliés de l’histoire, soumis à de vastes enjeux géopolitiques et aux tensions nationales. L’imminence d’une crise irakienne et les récents changements constitutionnels en Turquie replacent la question kurde sur le devant de la scène. De même, des évolutions locales et régionales invitent à penser que les mouvements kurdes n’ont jamais été aussi proches de devenir sujets de leur histoire. Comment cette minorité sera-t-elle reconnue par les Etats dans lesquels elle vit, une entité kurde autonome ou indépendante est-elle envisageable dans une région fébrile et politiquement instable ?

Vestige de la décomposition des empires ottomans et perses, l’idée d’un Kurdistan indépendant constitue une épine dans le pied d’une région conflictuelle. Prévue par le Traité de Sèvres (1920), la création d’un Kurdistan est restée lettre morte. Cet échec initial résulte tout à la fois de divisions internes, du ralliement d’une partie des Kurdes de Turquie au nationalisme turc de Mustapha Kemal, et de la volonté britannique d’intégrer la région pétrolifère de Mossoul au futur Irak. Ce rendez-vous raté est aujourd’hui perçu par les Kurdes comme un événement traumatique, mais fondateur. "La mouvance nationaliste kurde se présente par conséquent comme l’incarnation de la volonté historique de ce peuple dont elle défend le droit de déterminer son destin (...)", explique Hamit Bozarslan, professeur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

L’aspiration à la création d’un Etat, le Kurdistan - même s’il ne correspond plus aux aspirations concrètes des partis pro-kurdes - demeure dans les esprits comme un idéal. Mais la dispersion des kurdes sur plusieurs Etats l’a rendu quasiment inaccessible. Au fil des années, le peuple kurde s’est transformé en peuples kurdes, aux histoires rendues distinctes par les politiques intérieures de chaque Etat.

Les lignes de fragmentation sont multiples. Au niveau local, le clivage historique entre les deux empires rivaux, perse et ottoman, a induit une bipartition de l’espace ethno-culturel et linguistique kurde (dialectes kurmanjî, soranî, zaza), à laquelle s’ajoute encore un clivage confessionnel. Les Kurdes sont sunnites de rite shaféite, alévis (qui pratiquent une religion sans prosélytisme, sans mosquée et reposant sur une initiation individuelle) ou yezidis (adeptes de Zoroastre). Enfin, l’organisation tribale marquée par des logiques de clans et de fortes solidarités de groupes y est encore prépondérante. Et si le nationalisme kurde a su se doter d’un univers symbolique fort, avec un drapeau, une carte du Kurdistan, un hymne national ou des mythes fondateurs, "il n’est cependant pas parvenu à s’ériger en un programme minimum de la société kurde, à réaliser l’unité des différentes composantes pour se substituer à d’autres termes d’identité et d’appartenance", affirme Hamit Bozarslan.
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